Fiche Action

Apriles, l’agence des pratiques et initiatives locales de l’Odas, a pour rôle d’identifier, d’expertiser et de faire connaitre des initiatives inspirantes susceptibles d’être reproduites sur d’autres territoires.

Pour faciliter la diffusion des savoir-faire, les fiches de recueil des initiatives consacrent une place importante à la méthodologie.

Apriles a ainsi expertisé la Journée citoyenne dès 2009 et met à jour régulièrement cette expertise. Son travail permet de donner à voir les enjeux, mais aussi la complexité et la diversité de la Journée citoyenne.

La Journée Citoyenne : faire ensemble pour mieux vivre ensemble

Sur le vif

« De plus en plus de nos concitoyens semblent adhérer à l’idée que l’action politique doit impliquer bien d’avantage les habitants en plaçant les collectivités dans un rôle d’accompagnateur, projetant ainsi le citoyen en véritable acteur et non plus en simple consommateur ». Le maire de Berrwiller. « Il n’y a plus de barrière ni physique, ni technique. Les expériences et les aptitudes se partagent. Les enfants saluent la personne de 70 ans avec laquelle ils ont travaillé. Et la dame avec son foulard n’est plus l’étrangère, mais la dame qui a aidé à repeindre le chalet… Maintenant, les gens se sourient dans la rue, ils s’interpellent, boivent un café ensemble ». La maire de Morschwiller-le-Bas. « Pas besoin de qualification, le but est de donner du sens à cette journée citoyenne en permettant à chacun de s’y inscrire ». Le maire de Hillion. « Jamais les gens du logement social et du secteur résidentiel ne se seraient rencontrés et parlés sans cette journée ». Le maire de Champagne-sur-Seine. « La Journée citoyenne permet de retrouver des personnes de générations différentes. On travaille beaucoup, mais c’est pour le bon fonctionnement du village et dans une ambiance de travail très sympathique. J’aimerais bien que ça continue encore longtemps, c’est un beau concept ! ». Un Jeune habitant.

 

Objectif(s) et bref descriptif

Afin d’encourager la création de liens au sein de la population, un peu partout en France chaque année, des habitants consacrent bénévolement une journée à leur commune pour réaliser ensemble des projets qu’ils ont eux-mêmes proposés. Cela peut aller de chantiers d’amélioration du cadre de vie, de rénovation d’équipements, de valorisation de l’histoire et du patrimoine à des projets associatifs, culturels, éducatifs ou tout simplement ludiques. Il s’agit de faire ensemble pour mieux vivre ensemble en permettant à chaque habitant volontaire, quels que soient son âge, son sexe, ses origines ou ses aptitudes, de devenir acteur pour sa collectivité. Les communes se placent alors dans un rôle d’accompagnateur des initiatives citoyennes en mobilisant et en mettant en synergie tous les acteurs de leur territoire (habitants, élus, agents, acteurs associatifs, acteurs économiques…), en créant les conditions de leur coopération, de la construction à la finalisation des projets. Une approche ascendante de l’action publique qui favorise la citoyenneté active et le vivre ensemble.

 

Origine(s)

A Berrwiller (Haut-Rhin, 1200 habitants), lors des municipales de 2008, le nouveau maire, est élu après une campagne sur la nécessité de recréer du lien entre habitants. Cette commune rurbaine située aux abords de Mulhouse est ce qu’on peut appeler une commune « dortoir » : ses habitants font chaque jour des trajets pendulaires pour rejoindre leur travail et il existe peu de lieux propices à la rencontre. Pourtant, cette année-là, l’hiver est particulièrement rigoureux et les villageois, bloqués chez eux par la neige, sont contraints de déneiger les rues et leurs allées. Ils retrouvent alors le temps de se parler et le plaisir de s’entraider. Marqué par la façon dont ils tirent parti des circonstances, le maire se dit qu’il faut créer un événement pour que les gens réapprennent à communiquer et à avoir des liens de proximité et que cet évènement doit être récurent pour susciter une dynamique tout au long de l’année. Combinant son souci de création de lien avec la nécessité d’engager des chantiers malgré les faibles moyens de la commune, l’édile émet l’idée que les habitants donnent, le temps d’une journée, un peu de leur disponibilité et de leurs aptitudes à leur village. Son projet est diversement reçu par le conseil municipal : il y a ceux qui adhérent et ceux qui doutent que cela fonctionne à une époque où l’individualisme a imprégné jusqu’au cœur des plus petits hameaux, autrefois très solidaires. Il insiste, et finalement les élus se rallient à son projet : la première journée citoyenne est lancée le 20 septembre 2008, et l’ensemble de la communauté appelée à y contribuer pour améliorer son cadre de vie.

Création du réseau national pour accompagner l’essaimage de la Journée citoyenne

Depuis 2015, le réseau Journée citoyenne (piloté par l’Odas, en partenariat avec Mulhouse Alsace Agglomération et avec le soutien de la CCMSA, EDF, La Banque Postale, Transdev et l’AMF) accompagne le développement de cette action sur l’ensemble du territoire français, en faisant connaitre cette démarche aux élus et acteurs locaux et en proposant un accompagnement à la mise en œuvre. Il coordonne les ambassadeurs de la Journée citoyenne. Ces élus, anciens élus ou agents de communes ayant déjà organisé la journée citoyenne assurent la promotion de l’action auprès des communes de leur région et accompagnent la mise en œuvre. Par ailleurs, le réseau fédère les communes afin de favoriser le partage d’expériences, une culture commune et l’entraide. Il contribue ainsi à susciter des dynamiques territoriales à l’échelle des agglomérations voire des départements. Par exemple : l’ensemble des communes de Mulhouse Alsace Agglomération, dont fait partie Berrwiller, organise désormais la Journée citoyenne. Depuis 2019, la quasi-totalité des communes de la communauté urbaine d’Angers Loire Métropole (Maine-et-Loire) organise également une Journée citoyenne. Dans la Sarthe, où la Guierche a initié la démarche, ce sont aujourd’hui près d’une soixantaine de communes qui ont rejoint l’aventure. L’essaimage est porté par la même philosophie que la Journée citoyenne : favoriser une action publique ascendante. Ce qui explique qu’il n’existe pas une méthodologie de la Journée citoyenne que l’on pourrait « plaquer » sur tous les territoires. Au contraire, la Journée citoyenne s’appuie sur les ressources et les spécificités de chaque commune. Sa mise en œuvre doit cependant se faire dans le respect des principes fondateurs de l’action, édictés dans la Charte de la Journée citoyenne, rédigée de façon collaborative par l’ensemble des ambassadeurs et le comité de pilotage du réseau. Ces principes[1] visent à préserver l’état d’esprit de cette initiative et à garantir sa réussite et sa pérennité dans chacun des territoires où elle est organisée. Une philosophie qui porte ses fruits : jusqu’en 2014, la Journée citoyenne était un phénomène essentiellement alsacien avec 49 communes organisatrices dans la région. En 2021, malgré la crise, plus de 2500 communes de France l’organisaient sur l’ensemble du territoire français. En 2019, on estime que 300 000 personnes s’étaient mobilisées dans 2000 communes pour restaurer le troisième volet du triptyque républicain. > Voir la carte des communes organisatrices

Description détaillée

Chaque année, durant une journée (plusieurs fois par an dans certaines communes), les habitants d’une commune ou de quartiers se mobilisent bénévolement pour réaliser ensemble des projets (chantiers d’amélioration du cadre de vie, rénovation d’équipements, valorisation de l’histoire et du patrimoine, contribution aux projets associatifs, projets culturels…), sur différents lieux, équipements ou quartiers de leur commune. L’objectif de la démarche est de réunir l’ensemble des habitants de la commune, toutes générations et situations confondues, afin de favoriser la rencontre, la mixité et de renforcer les liens dans et entre les territoires. Le choix des activités à réaliser et leur mise en œuvre est le fruit de la coopération et de l’implication des différents acteurs locaux : conseil municipal (pilotage politique du projet) ; agents municipaux, associations, entreprises, artisans (encadrement technique, aide matérielle, sensibilisation…) ; habitants (propositions d’actions, participations aux ateliers). La municipalité (une association dans quelques cas) joue un rôle d’accompagnateur des initiatives des habitants afin de permettre à chacun de s’impliquer pour sa commune. La date nationale officielle est fixée chaque année au troisième ou quatrième week-end de mai. Cependant cette date reste indicative et chaque commune est libre de choisir une autre date mieux adaptée à son calendrier municipal.

Des ateliers de tous types pour devenir acteur de sa cité

Grâce à la forte implication des habitants, au fil des années les Journées citoyennes ont diversifié leurs interventions, investissant tour à tour le champ de l’embellissement de la ville (fleurissement, peinture, entretien…), la solidarité (intergénérationnelle, face au handicap, avec les demandeurs d’asile…), le développement durable, la culture, l’histoire locale… A Berrwiller par exemple, la rénovation du cimetière a mobilisé les habitants la première année : le mur d’enceinte a été entièrement décrépi, l’intérieur a été fleuri et aménagé, un columbarium et un jardin du souvenir ont été créés et un nouveau point d’eau a été installé pour éviter aux personnes âgées de porter l’eau sur une distance trop importante. En parallèle : l’école élémentaire a été entièrement repeinte, l’aire de jeux rénovée, les habitants ont construit une aire de pétanque et créé un jardin pour les enfants des écoles qui permet d’avoir un outil pédagogique et d’y travailler. Les bénévoles ont également planté une vigne citoyenne (ce qui s’inscrit dans l’identité de cette commune de la route des vins). Les citoyens y travaillent tout au long de l’année, ce qui leur permet de produire leur propre jus de raisin. Au fil des années, contrairement à ce que certains élus pouvaient craindre, les propositions d’action continuent d’affluer et les ateliers se multiplient (une trentaine chaque année, mobilisant 400 habitants en moyenne), allant des plus classiques (plantations, peinture…) aux plus symboliques (création et pose du triptyque républicain sur le fronton de la mairie, mise en place d’un jardin partagé, installations de nids pour cigognes, peinture de fresques dans l’école par les parents et leurs enfants…). A Angers, en 2019, 5000 habitants de toutes générations participaient dans 80 lieux sur toute la ville à des actions en lien avec de nombreuses associations : avec l’association Disco Soupe, des bénévoles ont récupéré des légumes destinés à ne plus être vendus à la fin du marché pour en faire des soupes à partager ; des habitants ont accompagné des personnes âgées au cinéma pour favoriser les liens intergénérationnels et lutter contre l’isolement ; les bénévoles de l’association L’Outil en Main ont initié des jeunes volontaires au taillage de pierre, à la maçonnerie, à la forge et autres savoirs faire manuels afin de favoriser la transmission et le lien entre générations ; des actions de nettoyage en bord de rivière et de sensibilisations ont été menées par des habitants encadrés par une association locale de défense de l’environnement ; les marelles et jeux dessinés au sol de la cour d’une école ont été repeints…

Une action préparée avec minutie

Cette démarche ambitieuse nécessite un long travail de préparation, dont le déroulé est sensiblement identique selon les communes. Dans un premier temps, la mairie communique auprès de la population en expliquant l’état d’esprit de la Journée citoyenne, la volonté d’impliquer les habitants ainsi que l’ensemble des tous les acteurs du territoire volontaires (associations, entreprises…).  Pour stimuler la participation et l’implication de tous, la posture adoptée par les élus et l’équipe municipale est essentielle : ils se placent dans une position d’accompagnateurs des initiatives et apportent « simplement » un appui logistique en amont et pendant la Journée citoyenne. Puis la commune fait appel aux idées des habitants et des partenaires (associations, acteurs économiques) qui proposent des actions à mettre en œuvre, en fonction des besoins identifiés collectivement. La mairie valide ensuite la liste des ateliers en fonction des besoins sur la commune et des contraintes techniques et financières. Pour ne pas susciter la frustration, elle explique pour quelles raisons une idée est retenue et pourquoi une autre ne l’est pas. Dans la mesure du possible, les ateliers doivent être symboliques et doivent permettre de pouvoir impliquer l’ensemble des habitants quelles que soient leur génération ou leur condition physique, avec une attention particulière accordée à la mixité sociale et intergénérationnelle. Par ailleurs, l’atelier doit être réalisable dans le temps imparti, afin d’éviter de frustrer les bénévoles et de surcharger le personnel municipal les jours suivants. C’est la raison pour laquelle certains chantiers sont préparés en amont par le personnel municipal. Les « chefs d’atelier » sont des habitants volontaires sélectionnés en fonction de leur savoir-faire. L’équipe municipale (élus, agents, services techniques) prépare avec eux les ateliers en anticipant les besoins matériels et humains. Une fois les ateliers et leurs besoins humains définis, une nouvelle communication est lancée auprès de la population, incluant un appel à participer avec la description de l’ensemble des ateliers prévus. Dans certaines communes, des panneaux d’information sont également installés sur les lieux des futurs ateliers. Les habitants peuvent s’inscrire via un bulletin papier et/ou en ligne en fonction des communes. La mairie réceptionne les inscriptions et répartit les participants par atelier, en fonction de leurs préférences. La veille de la Journée citoyenne, les services techniques et les chefs d’ateliers préparent et approvisionnent les ateliers et mettent en place la signalétique. Le jour J, les participants sont accueillis par les élus et répartis sur les différents ateliers où ils sont encadrés par leurs chefs d’ateliers. Les élus et agents volontaires participent également aux ateliers. Une collation est parfois servie dans la matinée par une équipe bénévole dédiée qui passe sur chaque atelier. Un temps convivial est également organisé afin de réunir l’ensemble des participants. Il s’agit la plupart du temps du déjeuner, préparé par une équipe de bénévoles dans le cadre d’un atelier dédié. D’après les édiles, ce repas partagé est essentiel puisqu’il offre non seulement l’occasion de remercier l’ensemble des bénévoles, mais surtout il contribue fortement à créer du lien entre les participants. Il peut aussi être l’occasion de « bourses aux ateliers » : on fait appel aux habitants des ateliers les plus avancés pour venir renforcer les rangs de ceux qui peuvent avoir pris du retard. A l’issue de l’évènement, le maire envoie un courrier de remerciement, au nom du Conseil municipal, à chacun des participants et invite les habitants à lui faire part, tout au long de l’année, de leurs suggestions de travaux dans la perspective des prochaines éditions. La dynamique est lancée : les habitants s’emparent de la Journée citoyenne et proposent chaque année de nouvelles idées.

S’appuyer sur les ressources du territoire

Dans toutes les communes participantes, l’orchestration minutieuse du travail impressionne. Mais la mise en œuvre n’est jamais identique car elle s’appuie sur les ressources et les spécificités de chaque territoire. Dans la petite commune de Berrwiller par exemple, il suffit de frapper à la porte du bureau du maire ou de remplir un formulaire pour transmettre ses idées. A Troyes (Aube), à Blois (Loir-et-Cher) ou à Champagne-sur-Seine (Seine-et-Marne) on s’appuie sur les conseils de quartiers et les instances de démocratie participative. A Angers, c’est un « appel à idée » en ligne qui permet à chacun de faire ses propositions. La mobilisation du tissu local est également propre à chaque territoire. A Angers par exemple, les associations, très nombreuses et actives sur la commune, sont fortement impliquées. A Berrwiller, les associations s’investissent également (anciens mineurs, chaudronniers, associations sportives), tout comme les entreprises locales : le boulanger confectionne avec les enfants les pâtisseries qui seront servies lors du repas partagé par tous les participants le midi, les artisans locaux mettent à disposition bénévolement certains des membres de leurs équipes et leur matériel, les agriculteurs participent avec leurs machines à la rénovation des chemins communaux… Dans de nombreuses communes, restaurateurs et commerces contribuent également au repas, comme à Champagne-sur-Seine où le supermarché fournit une partie des denrées alimentaires.

Impliquer les plus fragiles et favoriser les liens entre générations

Afin de réunir l’ensemble des habitants volontaires, quelles que soient leurs situations, les communes diversifient les ateliers. Elles impliquent les personnes porteuses de handicap. Comme à la Guierche (Sarthe) où un ancien bus historique de l’agglomération du Mans est affrété chaque année pour permettre aux personnes à mobilité réduite de faire le tour des ateliers et de participer au repas. Ou à Hillion, où chaque année un atelier est organisé dans l’enceinte de la maison d’accueil spécialisée (MAS) des Sorbiers, qui accueille des adultes handicapés en situation de dépendance. En 2021, aux côtés d’autres habitants qui aménageaient une terrasse et sécurisaient les abords de la MAS, les pensionnaires se retroussaient aussi les manches : peinture, atelier crêpes pour tous les bénévoles et nettoyage. Dans certaines communes, comme Champagne-Sur-Seine (Seine et Marne) les réfugiés accueillis sur la commune participent également chaque année. L’accent est par ailleurs mis sur la participation de toutes les générations. Pour accueillir les tout-petits et permettre aux jeunes parents de participer, de nombreuses communes organisent des garderies bénévoles. Une attention particulière est également portée aux jeunes, dans une perspective d’éducation à la citoyenneté. En effet, les enseignants, les élus en charge de l’école, le conseil des enfants, le conseil des jeunes et les services d’animation jeunesse peuvent être mobilisés en amont, pour préparer la Journée citoyenne avec les jeunes. Les enfants sont ainsi pris en charge dans des ateliers spécifiques et adaptés : fabrication de nichoirs ou hôtels à insectes, atelier cuisine destiné à la préparation du repas festif, peinture de fresques ou de jeux au sol des cours de récréation des écoles… A Champagne-Sur-Seine, les jeunes du Conseil municipal des enfants arpentent la commune afin d’assurer la couverture médiatique de la journée. Ils rendent ainsi compte des différents ateliers et interviewent des participants. Les adolescents volontaires participent également aux différentes activités quand ils ne proposent pas eux-mêmes des ateliers, mis en œuvre avec leurs aînés (peinture d’une fresque en graffiti, entretien ou création d’un skate parc…). A Marvejols (Lozère), en 2019 les adolescents ont préparé la Journée citoyenne pendant une semaine : des jeunes ont nettoyé une partie des berges de la rivière et 200 lycéens et leurs professeurs ont préparé les chantiers pour la seconde partie en décapant les grilles du jardin public, bancs et poubelles de l’esplanade. Les personnes âgées plus fragiles sont également mises à contribution en participant à des ateliers adaptés comme la couture, la confection des repas… Les plus isolées d’entre elles font l’objet d’une attention particulière. Comme à Angers, où des habitants partagent ce jour-là un temps de loisir et de convivialité avec elles (séances cinéma par exemple) ou à Berrwiller où en 2021, une jeune esthéticienne qui venait de s’installer dans le village, leur proposait des soins de bien-être. Dès que c’est possible, les ateliers favorisent l’intergénérationnel : les plus âgés prêtent main forte et transmettent leurs savoir-faire et leurs connaissances aux plus jeunes. Comme à Berrwiller, où l’abribus du ramassage scolaire a été rénové à la demande des lycéens par des jeunes encadrés par des artisans retraités. Ou à Hillion où le patrimoine local est entretenu et rénové, l’occasion pour les plus âgés de transmettre l’histoire locale aux plus jeunes. Mais ce ne sont pas toujours les anciens qui guident les jeunes : dans plusieurs communes de l’agglomération de Mulhouse par exemple, des jeunes en formation horticulture ont montré aux plus âgés comment réaliser des plantations moins gourmandes en entretien.

Favoriser une culture de confiance, d’entraide et de respect

En donnant à chacun une place et un rôle, la Journée citoyenne contribue au changement des regards et à renforcer la cohésion sociale. Ainsi par exemple, les jeunes, en faisant montre d’un réel sens de l’effort et d’une capacité à gérer et à organiser, parviennent à forcer l’admiration des plus anciens, qui pouvaient avoir, jusque-là, une image négative de la jeunesse. Inversement, les plus jeunes perçoivent différemment leurs aînés, avec qui ils ont échangé et travaillé. Dix ans après la première Journée citoyenne à Berrwiller, élus et habitants perçoivent un changement de mentalité chez une partie de la population. En particulier chez les jeunes, dont certains participent régulièrement depuis leur plus jeune âge. Les élus témoignent de l’influence de cette action sur la façon dont ces « enfants de la Journée citoyenne » s’approprient leur commune et le rôle qu’ils peuvent y jouer en tant que citoyens. Certains groupes d’habitants continuent, par ailleurs, à se réunir après la Journée citoyenne afin de finir les chantiers commencés. Car la Journée citoyenne s’inscrit également dans la durée. La municipalité de Berrwiller a, par exemple, acheté l’ancien bâtiment de la banque qui avait fermé. Lors des Journées citoyennes, des travaux ont démarré pour y créer un local intergénérationnel qui, depuis son inauguration en mai 2013 lors de la 6ème édition de la Journée citoyenne, est cogéré par les jeunes et les anciens du village. Autre exemple : suite au don d’un minibus par une entreprise locale, des habitants se sont formés en association et se relaient pour conduire régulièrement les personnes âgées isolées faire leurs courses ou leurs démarches administratives. Le partage d’expérience met aussi en lumière le travail des entreprises et des artisans engagés dans l’aventure, qui réussissent ainsi à faire passer la passion de leurs métiers auprès des participants ravis d’apprendre de nouveaux savoir-faire. Il en va de même pour les associations qui peuvent sensibiliser aux enjeux sociaux et environnementaux et mettre en avant leurs projets associatifs. La Journée citoyenne permet aussi de rapprocher la population des services techniques (particulièrement mobilisés lors de longues semaines de préparatifs et le jour J) et contribue ainsi à lever les aprioris sur le réel travail des agents communaux. Grâce à sa dimension ascendante, elle contribue également au changement de regard et à un regain de confiance des habitants vis-à-vis des élus et inversement. Autre point positif : elle facilite l’intégration des nouveaux arrivants. Cette dynamique territoriale se traduit également dans les relations entre communes : les services techniques ont désormais le réflexe de s’entraider tout au long de l’année, et les maires qui échangent leurs expériences et bonnes pratiques concernant la Journée citoyenne s’interpellent désormais régulièrement sur des problématiques diverses. Certaines communes partagent même des ateliers comme Hillion avec la commune voisine Coëtmieux.

Les prolongements de la Journée citoyenne : dans les collèges et les Ehpad

Depuis 2017 la Journée citoyenne connaît un prolongement dans les collèges, avec parfois le soutien des départements (qui ont la charge des collèges). Comme dans le Haut-Rhin où le collège d’Illfurth, premier à expérimenter cette formule, l’organise chaque année. Des ateliers sont organisés au sein de l’établissement et sur des équipements de la commune mis à disposition des élèves (gymnase, stade… en collaboration avec la mairie). Une initiative soutenue par le Conseil départemental et suivie désormais dans plusieurs collèges du département (une dizaine en 2019). Cette initiative est menée dans le cadre du parcours citoyen (de l’école au lycée, adossé aux enseignements, il concourt à la transmission des valeurs et principes de la République) et constitue un outil éducatif à part entière : valorisation de l’histoire et du patrimoine local dans le cadre du cours d’histoire-géographie qui aboutit à une réalisation concrète lors de la Journée citoyenne ; préparation de fresques ou d’œuvres dans le cadre des arts plastiques ; étude des plantes en SVT avec comme aboutissement la construction d’un jardin potager partagé durant la Journée citoyenne ; réalisation d’un reportage durant la Journée citoyenne préparé en amont en cours de français ; construction d’une centrale météo en Physique-Chimie installée lors de la Journée citoyenne… De l’autre côté du globe, en Nouvelle Calédonie, le samedi 7 juillet 2018, la ville de Païta organisait sa deuxième Journée citoyenne. Municipalité, élèves, parents et entreprises ont donné un coup de propre au collège Louise-Michel. Un tiers des élèves étaient présents, dont certains avec leurs parents. Un grand nombre des professeurs et des personnels ont également participé. Au total, plus de 150 personnes ont contribué à améliorer le cadre de vie et les conditions d’accueil des élèves.

La Journée Citoyenne se décline aussi dans les Ehpad, comme à la Roselière à Kunheim (Haut-Rhin), premier établissement à avoir tenté l’aventure et qui l’organise tous les ans sur une semaine. Prolongement de la Journée citoyenne, cette opération a mobilisé plus de 200 habitants bénévoles pour sa première édition en 2017. Durant cette semaine, de nombreux ateliers étaient proposés : mise en place de nouveaux meubles dans une soixantaine de chambres, réaménagement des espaces verts, nettoyage des fauteuils roulants, des véhicules et des vitres, travaux de peinture… Mais surtout participation au transport des personnes, accueil de jour, aide aux repas auprès des personnes en perte d’autonomie et participation à l’ensemble des animations proposées aux résidents de la maison de retraite. Chaque journée de travail débutait par une courte intervention pour sensibiliser les bénévoles à la gérontologie et la perte d’autonomie. De l’avis de l’ensemble des participants (un questionnaire de satisfaction avait été remis à chacun) mais aussi des résidents et du personnel, cette semaine a été un véritable succès sur le plan humain. Sans compter les nombreux travaux réalisés qui ont permis d’améliorer le cadre de vie des résidents. Cette semaine citoyenne a également fait naître de nouvelles vocations de bénévolat en faveur des personnes âgées de la Roselière. Une demi-douzaine de participants à la semaine citoyenne sont en effet aujourd’hui bénévoles tout au long de l’année. En 2019, les Ehpad les Érables de Guebwiller, Sequoïa d’Illzach, Jean-Baptiste Ray et la Colagne de Marvejols (Lozère) ou encore Saint-Jacques de Cadours (Haute-Garonne) l’ont également organisée sur une journée. Pour ce dernier, une dizaine de bénévoles et leurs enfants sont venus aider les résidents de la maison de retraite pour fleurir l’établissement. Après avoir terminé les plantations, résidents et bénévoles ont partagé une collation et les enfants ont pu découvrir les animaux de la maison de retraite. En ouvrant la maison de retraite aux bénévoles, la volonté est clairement affichée : contribuer au changement de regard sur le grand âge et la prise en charge des personnes âgées dans un esprit de cohésion sociale, de solidarité et d’échanges intergénérationnels. Ainsi, ce prolongement de la Journée citoyenne en Ehpad est un moyen de découvrir de l’intérieur la maison de retraite et de contribuer de manière concrète au mieux-être des résidents. Avertissement : les actions organisées dans les collèges et les Ehpads ne constituent pas des Journées citoyennes à proprement parler, mais plutôt un prolongement de celles-ci. En effet, la Journée citoyenne vise à réunir l’ensemble des habitants, sur différents lieux de la commune, voir toute la commune, ce qui n’est pas possible avec ce type d’action. L’idéal étant que ces actions dans les établissements soient mises en place dans le cadre plus large d’une Journée citoyenne organisée sur toute la commune.

Bilan

Éléments positifs

  • Participation des habitants : La Journée citoyenne valorise les habitants et favorise une citoyenneté active ;
  • Renforcement de la Cohésion Sociale, développement d’un sentiment d’appartenance : Grâce à cette forte dimension participative, la création de liens entre habitants est favorisée : entre les personnes, entre les cultures, les âges et les sexes, entre les associations, les entreprises, les artisans, les populations… ;
  • Contribution active à l’aménagement de la commune et appropriation du bien commun : chacun se sent coresponsable des équipements qu’il a aidé à bâtir, à rénover ou à améliorer, ce qui contribue à une réappropriation de l’espace public par les habitants. Cela a comme effet secondaire de limiter les actes de dégradation et permet donc d’économiser de l’argent public ;
  • Émergence d’une dynamique territoriale durable : Cela donne lieu à des projets communs tout le reste de l’année ;
  • Financier : sans concurrencer les entreprises locales, la Journée citoyenne permet de mener des travaux que la commune ne pourrait financièrement pas sous-traiter ou de dégager ces financements pour d’autres investissements ;
  • Valorisation : le partage d’expérience et la participation de chacun dès la construction du projet contribuent à valoriser les habitants, mais aussi les associations, les entreprises, les élus et l’administration municipale. Ils mettent également en lumière le travail des entreprises et des artisans impliqués.

Points d’attention

Le portage politique est essentiel pour garantir la réussite de la démarche. Le maire et le conseil municipal doivent être pleinement impliqués à travers une conception ascendante de l’action publique et en évitant toute récupération politique qui aboutit inévitablement au désengagement des habitants. Les maires sont unanimes pour dire que si l’organisation doit être laissée à l’initiative des communes, il faut garder l’état d’esprit initial inscrit dans la charte, à savoir laisser l’initiative aux habitants pendant et en amont des ateliers, la recherche d’intégration de tous les habitants et notamment des nouveaux habitants, la possibilité d’appropriation par tous du bien commun, le contact entre les générations et la valorisation de chacun. Beaucoup préconisent d’y aller par étapes la première année, en commençant par une poignée de projets afin de ne pas s’essouffler. Enfin, l’objectif n’est pas de palier un manque de la collectivité, mais bien de favoriser, à travers ces ateliers, le lien entre les habitants.

Partenaires

Au local, la Journée citoyenne est le fruit de la coopération et de l’implication des différents acteurs du territoire : conseil municipal, agents municipaux, associations, entreprises, artisans, habitants. Au national l’Odas porte l’essaimage et la promotion de cette action. Mulhouse Alsace agglomération apporte un soutien logistique. La Banque postale, EDF, la CCMSA, Transdev, l’AMF et l’AMRF soutiennent l’essaimage.

Moyens

Financiers

Le coût diffère en fonction des communes, du nombre et type d’ateliers. Il inclut la location du matériel (outillages, installations diverses…) et des « consommables » (peinture, plantes…). Les entreprises locales contribuent souvent, en prêtant du matériel, en faisant des dons en nature ou en finançant en partie la Journée citoyenne. A titre d’exemple, le coût d’organisation d’une édition à Champagne-sur-Seine, pour une quinzaine d’ateliers, est de 5 000 euros pour la commune et d’un équivalent de 3 000 euros pour les dons de partenaires. A Berrwiller, le budget d’une Journée citoyenne et de 25 à 30 000 euros chaque année.

Humains

Mobilisation des élus et des équipes municipales. A Berrwiller, le chef des services techniques prépare toute l’année la Journée citoyenne en recueillant et centralisant les suggestions et en coordonnant la logistique, en lien avec le maire et les élus. A Angers, ce sont les agents de la mission égalité et diversité qui assurent cette mission en lien avec l’adjointe à la citoyenneté. Mobilisation d’habitants bénévoles en amont et le jour J.

Matériels

Pour les chantiers : les bénévoles amènent leur petit outillage et du matériel est mis à disposition par la commune. Les engins, du matériel, voire des « consommables » sont prêtés par les entreprises locales qui participent bénévolement à cette journée. Les associations prêtent du matériel en fonction de chaque atelier organisé. La municipalité fournit le reste du matériel et des consommables.