Nicolas Daragon, maire LR de Valence, recevant les doléances des Gilets Jaunes, le 24 janvier 2019.

Alors que le congrès des maires se déroule cette semaine, dans une période de très grande incertitude sur l’avenir de notre modèle de société, l’Odas invite, dans une tribune publiée par le Huffington Post, à une relecture urgente de la devise républicaine, rappelant le rôle incontournable des maires et élus locaux, bâtisseurs de fraternité. Une tribune qui invite notamment à diffuser la Journée citoyenne

Chacun prend la mesure quotidiennement de la fragilité de notre cohésion nationale, avec des fractures qui s’aggravent, des discours qui se durcissent, des solidarités qui se délitent. Le désordre est donc considérable, et les obstacles pourraient paraître infranchissables, sauf à considérer que le découragement n’est plus de mise lorsqu’il s’agit de l’essentiel : rétablir une ambition collective apte à revitaliser liens sociaux et repères collectifs.

La relecture urgente de la devise républicaine
C’est cette exigence qui redonne tout sa portée au pacte républicain dans ses trois dimensions. Instaurée en 1848, la devise de la République avait eu le mérite de traduire en peu de mots une relation dialectique complexe entre des choix souvent perçus comme incompatibles.

Parce que l’excès de liberté peut nuire à l’égalité et parce que l’excès d’égalité peut nuire à la liberté, la fraternité s’impose comme une indispensable synthèse. Celle qui rappelle à tous que la liberté et l’égalité doivent trouver leurs limites respectives dans l’indispensable reconnaissance d’une dépendance mutuelle. Pourtant, la fraternité a longtemps été négligée, parce que perçue seulement comme une valeur de rassemblement entre gens qui se ressemblent ou comme une aspiration de type caritatif. Mais aujourd’hui, avec la perception croissante de la vulnérabilité de nos sociétés, la fraternité peut retrouver toute sa portée en projetant la liberté et l’égalité vers le rassemblement des volontés et non pas vers leur éparpillement suicidaire.

« On ne voit d’économies que dans le regroupement des compétences, au détriment du respect de la proximité qui seule peut favoriser la production de liens. Moins de régions, moins de cantons, moins de communes aboutissent à moins de fraternité ».

Cette aspiration à une société plus fraternelle est d’ailleurs désormais partagée par tous ceux qui voient dans la progression de l’indifférence, de l’intolérance et de la haine le terreau du déclin démocratique. La réapparition du mot “fraternité” dans le débat public et dans les médias montre bien que le concept entre dans l’actualité. C’est un signe positif, à condition que la fraternité ne devienne pas un nouveau gadget, mais qu’elle se concrétise dans une démarche d’envergure apte à induire de vrais changements.

Les maires, bâtisseurs de fraternité
Tous les grands chapitres de la vie en commun doivent en effet être repensés, qu’il s’agisse de la citoyenneté, de la solidarité, de la vie démocratique. Avec la volonté de s’appuyer partout sur les dynamiques qui relient et qui se multiplient dans notre pays.

Citons notamment un mouvement qui prend une ampleur considérable, celui des “journées citoyennes”, dont personne ne parle au niveau national, et qui concerne dorénavant près de 2000 communes dont certaines de grande taille comme Angers, Mulhouse ou Troyes notamment. Durant toute une journée, les habitants de ces communes réalisent des projets communs, allant de la réhabilitation de bâtiments à la création de nouveaux équipements, avec l’envie de “faire ensemble pour mieux vivre ensemble”.

C’est là qu’apparaît le rôle incontournable des maires, souvent initiateurs de ces promesses d’un monde apaisé. C’est la raison pour laquelle il y a dix ans j’avais écrit un livre intitulé “Pour une République des maires”, afin de démontrer que si la liberté et l’égalité sont principalement du ressort de l’Etat, la fraternité est l’affaire des maires. C’est l’évidence même. Car si la définition des droits et des dispositifs sociaux doivent être identiques sur l’ensemble du territoire, la construction des liens et des repères repose sur les forces vives des territoires.

Une redéfinition indispensable de la décentralisation
C’est d’ailleurs en s’appuyant sur cette lecture de la décentralisation que l’on pourra mettre fin au processus d’assèchement de la décentralisation engagé ces dernières années. C’est vrai sur le terrain des responsabilités et des finances communales, de plus en plus encadrées, mais c’est aussi vrai sur le terrain de l’intercommunalité qui, dans sa déclinaison actuelle avec la loi NOTRe, est particulièrement destructrice. On ne voit d’économies que dans le regroupement des compétences, au détriment du respect de la proximité qui seule peut favoriser la production de liens. Moins de régions, moins de cantons, moins de communes aboutissent à moins de fraternité. Et tout naturellement, l’effritement du pouvoir des élus se fait au profit de la technocratie et des normes qui précipitent nos concitoyens dans le rejet du politique.

« L’effritement du pouvoir des élus se fait au profit de la technocratie et des normes qui précipitent nos concitoyens dans le rejet du politique.« 

C’est donc bien en redécouvrant l’intérêt de la décentralisation dans la reconstruction de la cohésion nationale que l’on pourra dresser un argumentaire implacable contre ceux qui n’ont de cesse de fragiliser la démocratie locale. Pour éclairer à nouveau notre destin collectif, il est grand temps de libérer les maires des entraves qui les empêchent de développer la citoyenneté, la coopération des acteurs et la mobilisation de toutes les énergies. C’est une condition fondamentale pour retrouver le vrai sens de l’action politique : ne pas s’en servir pour réagir aux émotions, mais bien au contraire pour redonner du sens commun. Et sur ce terrain-là, rien ne remplacera jamais le labeur des élus locaux.

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