Ils auraient pu être plusieurs centaines mais la salle offerte par le Sénat ne permettait d’en accueillir que 200 pour cette première Rencontre organisée par l’Odas avec les maires et les élus locaux autour de la Journée citoyenne, le 16 mars 2016. Car depuis son lancement en 2008 à Berrwiller, l’initiative de son maire Fabian Jordan, repérée et expertisée par Apriles dés 2009, ne cesse de faire des émules et irrigue progressivement tout le territoire : prés de 500 communes dans 77 départements pour 2016. Pour ceux qui en douteraient encore, avec la contribution du Jas, nous avons compilé les témoignages de ces acteurs (élus, habitants, associations, entrepreneurs…) pour qui cette journée représente aujourd’hui un moyen aussi simple qu’efficace de démontrer que nos concitoyens aspirent à s’engager pour mieux vivre ensemble.

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Née dans l’esprit d’un maire alsacien avant de conquérir peu à peu l’ensemble du territoire, la Journée citoyenne repose avant tout sur la volonté des élus locaux, “Ces 550 000 élus locaux qui forment comme un filet, un filet qui protège le pays”, selon la formule du président du Sénat, Gérard Larcher, en ouverture de la première Rencontre des communes autour de la Journée citoyenne, accueillie au Palais du Luxembourg le 16 mars dernier. Des élus capables de “faire prendre conscience à chacun qu’il peut être acteur au service de sa commune, et ne pas être seulement consommateur passif des services communaux”, a-t-ajouté. L’“inventeur” de la Journée citoyenne, Fabian Jordan, résume humblement son rôle dans la démarche : “Nous n’avons rien inventé du tout, nous avons juste remis en lumière des valeurs trop souvent oubliées”. Des valeurs qui “déclinent en réalité locale la devise de la Nation : Liberté, Egalité, Fraternité”, souligne René Wunenburger, Maire de Griesheim-sur-Souffel. La liberté, tout d’abord, puisque chaque citoyen choisit d’adhérer ou non à la démarche en décidant de donner librement de son temps pour le bien commun. L’égalité et la fraternité ensuite, puisqu’au sein des différents chantiers se côtoient et s’apprécient des habitants de toutes origines sociales. “Agriculteurs, ouvriers, cadres supérieurs, enseignants, jeunes et seniors, tous portent le maillot de la même équipe, celui du citoyen engagé aux côtés de ses semblables pour améliorer le cadre de vie”, constate l’édile.


De François Baroin, président de l’Association des Maires de France, à Christophe Béchu, Président de l’Odas, en passant par Jean-Marie Bockel, Président de l’agglomération de Mulhouse, chacun en est convaincu : la Journée citoyenne montre la capacité de mobilisation des habitant.

Une volonté municipale salvatrice
Mais cette initiative permet aussi de “redonner à la fonction d’élu toutes ses lettres de noblesse, loin des logiques de partis”, insiste René Wunenburger, et qui “fait partie des plus belles journées que l’on peut vivre en tant qu’élu, de celles que l’on n’oubliera jamais”, poursuit Vincent Hagenbach, maire de Richwiller. Comment oublier, en effet, une telle journée quand on l’a vécue. “On n’a jamais vu quelqu’un participer la première année et qui ne soit pas revenu les années suivantes !”, confirme Josiane Mehlen, maire de Morschwiller-le-Bas. Sans compter l’effet “boule de neige” dans les communes voisines, puis dans d’autres départements. à Saint-Amour, Sébastien, référent technique convaincu de l’enrichissement apporté par cette manifestation dans sa ville, l’a exporté dans une commune voisine dont il est adjoint au maire.
Ruraux et urbains, tous ces élus partagent une conviction commune, résumée en quelques mots par Pierre-Marie Charvoz, maire de Saint-Jean-de-Maurienne : “Il est essentiel de retisser du lien social et de faire en sorte qu’il y ait un engouement des citoyens à se fédérer, à redécouvrir les vertus de l’action collective”. Et à l’heure où le discrédit frappe de plus en plus dangereusement les représentants de la classe politique, la Journée citoyenne “représente un peu le circuit court de la politique”, où chacun peut se sentir utile, écouté mais surtout reconnu, comme le constate Thierry Faivre-Pierret, maire de Saint-Amour. “Au travers de cette citoyenneté active et cette envie d’être acteur, ensemble, pour le bien commun, c’est la dynamique communale qui y gagne”, confirme encore en ce sens éric Bourge, maire de La Guierche.

Des habitants qui allument la mèche
Bien sûr, la Journée citoyenne ne serait rien sans les habitants. Et sans doute est-ce précisément parce qu’ils reçoivent à cette occasion autant, voire bien plus, que les quelques heures de temps disponible qu’ils offrent, que cette initiative est plébiscitée aussi bien en ville, dans les quartiers, que dans les campagnes. à tel point d’ailleurs, que ce sont aujourd’hui parfois les habitants eux-mêmes qui sont à l’origine de la mise en place du projet. En témoigne l’exemple de Mady Castelnot, habitante de Pierrefitte-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, qui n’a pas attendu les élus pour porter ce projet d’implication citoyenne. “Cette expérience nous a enthousiasmé et nous a semblée à notre portée, confie-t’elle. Nous pensions être 30 ou 40, au final, nous étions plus de 100 !”. Alors, en Seine-Saint-Denis, comme dans plus de 500 communes, chacun s’attèle à la tâche : fabrication d’hôtels à insectes pour les enfants, préparation de repas pour d’autres, défrichage de zones embroussaillées ou encore travaux de peinture des grilles du parc…“Ils viennent de tous horizons : personnes âgées, jeunes, scouts, enfants des participants, et même des dames portant le voile. Ce jour-là, on est à égalité. Certains qui, habituellement ne sont pas mis en avant alors qu’ils ont beaucoup de talents, sont alors valorisés”, sourit l’habitante. Et d’ajouter “cette journée nous donne envie de participer, de faire autre chose, d’oser faire des propositions aux élus parce qu’on sait maintenant qu’on peut être entendu. Pour le vivre ensemble, cela me semble quelque chose de très important”.
A Saint-Jean-de-Maurienne, c’est encore la dimension éducative de la Journée citoyenne qui a séduit Mathieu Kemplaire, éducateur de prévention spécialisée. Dans le quartier de la Bastille, la commission de quartier est parvenue, grâce à son soutien, à mettre en place toute une déclinaison d’activités découlant de la Journée citoyenne : Fête du pain, avec la création d’un pain par quartier permettant la reconnaissance de l’identité de chaque quartier, l’action “photo de mon quartier” où les jeunes avaient pour mission de photographier ce qui représentait le mieux leur cadre de vie ou encore l’occasion de rénover ensemble le local de l’accompagnement à la scolarité de manière à impliquer et responsabiliser chacun. “Notre travail a juste consisté à leur faire prendre conscience de leur pouvoir d’agir en prenant une parole citoyenne”, résume l’éducateur.
Du côté de Blois, c’est un conseil de quartier qui a décidé de mobiliser les habitants pour “vivre et agir” dans leur quartier. Dans la cité blaisoise, l’idée consiste, à partir des conseils de quartier, à “faire remonter les propositions et les idées de la base vers les élus”. Ils s’apprêtent aujourd’hui à mettre en place leur première Journée citoyenne le 28 mai prochain, l’occasion notamment de confectionner du mobilier urbain avec des palettes récupérées, mais aussi de travailler sur la propreté et de repeindre la salle de danse du centre social. “Durant cette journée, tout le monde est citoyen, il n’y a pas de question d’identité ou de génération. ça fait du bien par les temps qui courent”, témoigne Maroin Khair Dakirine, chef de projet à la Ville de Blois, pour qui “sans les habitants, cette journée n’a pas de sens”. “On sème des graines autour du quartier pour pouvoir fleurir les espaces communs”, explique le chef de projet. Des graines de citoyenneté surtout.
Car l’initiative de Berrwiller séduit aujourd’hui de plus en plus de villes. à Angers, par exemple, Faten Sfaihi, déléguée à la citoyenneté, en mesure parfaitement l’enjeu : “Cette dynamique nationale prouve que la citoyenneté ne doit pas rester au rang de concept, mais doit avoir une mise en œuvre concrète, c’est ce qu’attendent nos concitoyens. Notre objectif, comme tous les organisateurs de cette journée, est bien de faire cité et de faire unité”.


Dans certaines villes, comme à Angers, les projets réalisés lors de la Journée citoyenne sont portés en partenariats avec les associations locales. Ici, le Repair café.

Des services techniques enthousiastes
“La Journée citoyenne, je n’y avais pas pensé tous les matins en me rasant, mais je suis tombé dedans”, témoigne encore avec enthousiasme François Herr, responsable des services techniques à Berrwiller. Pour l’agent territorial, “cette potion magique a vraiment du sens. Pas pour combattre mais bien pour unir !”. Selon lui, “il est fondamental pour l’individu de se sentir utile, donner de soi et être altruiste, mais aussi de montrer la voie de l’intégration et des richesses intergénérationnelles”. Ainsi, la Journée citoyenne donne aussi l’occasion aux habitants de découvrir qui sont et ce que font les agents communaux qui travaillent au quotidien pour leur commune. “Cette journée fait grandir, c’est une ouverture d’esprit, les habitants nous reconnaissent et nous respectent”, ajoute François Herr. Un respect qui ne concerne pas seulement les uns et les autres mais aussi l’espace public. “En réhabilitant un abribus avec des jeunes, ils se l’approprient et le respectent”, constate le responsable des services techniques.
Du côté de Habsheim, c’est encore la possibilité de fédérer la proximité entre et avec les différents services que salue son maire, Jean-Denis Bauer. “On voit bien le triangle entre élus, techniciens et habitants, explique Maroin Khair Dakirine, à Blois, où la Journée citoyenne donne l’occasion aux équipes en charge de la propreté d’intervenir pour faire de la sensibilisation aux élèves des écoles. “C’est sympa parce que nos services sont valorisés et qu’ils viennent sensibiliser les petits”, se félicite le chef de projet.

Des entreprises solidaires
Si la Journée citoyenne doit son succès à la participation de tous les acteurs locaux, élus, habitants, associations et services techniques, elle est aussi aujourd’hui parvenue à lever certaines appréhensions, en particulier s’agissant des entreprises et des artisans locaux. Car proposer à la population de s’unir, le temps d’un jour, pour effectuer des travaux habituellement confiés à des professionnels aurait pu relever de la gageure en étant perçu comme une forme de “concurrence citoyenne”. C’est pourtant exactement l’inverse qui se produit dans toutes les villes, les acteurs économiques locaux y trouvant un intérêt bien réel. Directeur d’une entreprise d’électricité à Cernay, Christophe Colomba le reconnaît sans hésitation : “La Journée citoyenne est une manière de se faire connaître, mais aussi de partager dans la convivialité, tout en donnant des conseils aux habitants qui nous font part des problèmes d’électricité qu’ils ont chez eux. Cela crée une amitié, un partage. Souvent, bien après, nous avons beaucoup de contrats avec la population pour leurs travaux, c’est tout bénéfice !”. Une précieuse conséquence de la démarche que confirme Louis d’Allesandro, peintre à Berrwiller : “Pour moi, cette journée ne concurrence pas du tout mon travail, bien au contraire. Depuis que j’y participe, je n’arrête pas d’avoir des petits chantiers à droite et à gauche ! Cela me fait plaisir de faire découvrir mon métier à des gens. Et puis je vois que tous les habitants sont partants pour participer, il n’y a que du positif pour tout le monde là-dedans”.
Pour ceux qui en doutaient encore, la Journée citoyenne est désormais mise sur les rails tous azimuts sur le territoire. Et cette initiative locale, qui n’a rien attendu des pouvoirs publics pour mener sa révolution tranquille, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Car c’est un véritable réseau national animé par l’Odas que sont aujourd’hui invités à rejoindre élus locaux, associations et habitants. Un essaimage soutenu par des acteurs économiques et sociaux (La Banque Postale, la CCMSA, EDF et la Fondation SNCF) qui, guidés par leur volonté d’accompagner les acteurs du développement de nos territoires, soutiennent l’ODAS dans la promotion de cette initiative auprès de l’ensemble des élus locaux et agents territoriaux.
“Une idée simple et géniale, qui remet de l’humain dans le social. Là, on a une réponse concrète pour incarner la fraternité”, résume Christophe Béchu, sénateur, maire d’Angers. Mais surtout, pour le président de l’Odas, “c’est nécessaire car, si on se contente de vivre les uns à côté des autres sans jamais rien partager, alors on file droit vers une impasse”.


Première étape d’une mobilisation nationale, cette rencontre avait pour but de montrer toutes les conséquences positives d’une Journée citoyenne, mais également de mettre en place un premier réseau d’ambassadeurs (ci-dessous) de cette démarche.

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