Fin novembre l’Association des Maires, Adjoints et Présidents d’intercommunalité de la Sarthe et le Réseau Journée citoyenne organisaient un forum des journées citoyennes à Savigné l’Evêque. Une réussite selon les 50 élus et agents présents, dont des représentants de Saint Jean sur Mayenne (53) qui ont fait 190km dans le brouillard ! Parmi les participants des communes organisatrices, des communes en projet et des communes curieuses. Compte rendu d’un moment riche d’enseignements. « L’idée de ce forum était de créer un moment pour partager les expériences. S’inspirer des bonnes idées pour reproduire chez soi. Le but est aussi de créer un effet de réseau en soutenant les communes en projet et toujours promouvoir le concept », déclare Olivier Rétif, adjoint au Maire de Savigné l’Evêque et ambassadeur de la Journée citoyenne.

Introduction

En introduction, Didier Lesueur, directeur général de l’Odas (Observatoire national de l’action sociale, qui accompagne le développement de la Journée citoyenne), a présenté la Journée citoyenne comme  une « révolution tranquille ». Une expression qui peu paraître exagérée, mais qui à tout son sens pour l’Odas. « Car après 26 ans d’observation des politiques publiques et d’expertise de l’innovation locale, nous en sommes convaincus : cette initiative porte en elle le ferment d’une transformation profonde de notre société » a expliqué Didier Lesueur. Comment l’Odas en est arrivé à cette conclusion ? D’abord, par l’intermédiaire d’Apriles, son Agence des pratiques et initiatives locales, qui repère, expertise et diffuse cdes initiatives, des modes de gouvernance, des partenariats qui semblent prometteurs de transformation sociale. A ce titre, la Journée citoyenne,  repérée en 2009 et expertisé chaque année depuis, semble exceptionnellement prometteuse. Ensuite, parce que la vocation première de l’Odas est l’observation des politiques d’action sociale. Après 26 ans de travaux menés en collaboration avec l’État, les collectivités locales, la protection sociale et les associations, ses analyses ont permis de dégager différents constats auxquels la Journée citoyenne apporte une réponse concrète. « Au fil des années, nos travaux ont permis de constater que dans la grande majorité des cas, les personnes bénéficiaires de l’aide sociale sont avant tout isolées : elles sont d’avantage en déficit de liens qu’en déficit de biens. Prenons l’exemple de l’enfance en danger : pour 80% des enfants pris en charge, on constate que le ou les parents sont isolés, qu’ils ne savent pas faire, ne savent plus faire et n’arrivent pas à assumer leurs enfants. Il n’y a que pour les 20% restant, et c’est déjà beaucoup trop, qu’il s’agit en effet de maltraitance. Même constat pour les personnes âgées : lorsque, au cours d’une étude, nous avons interrogé l’ensemble des personnes âgées de trois départements et de plusieurs communes, la très grande majorité ont exprimé leur désir d’être intégrées à la société, de prendre part à la vie collective et d’avoir une véritable utilité sociale. » Si on prend un peu de recul, on constate que la question sociale s’est considérablement transformée ces dernières années. Il y a trente ans, on pouvait encore dire que les politiques d’action sociale ne concernaient que les plus pauvres. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. « Une part de plus en plus grandissante de la société est concernée car la question économique n’est plus le seul vecteur d’exclusion en France. Il y a deux autres dimensions qui sont tout aussi délétères : la dimension relationnelle, liée à l’affaiblissement des liens sociaux qui entraîne de l’isolement, du repli, de la défiance, de la méfiance, voire de la peur; et puis la dimension identitaire, qui est liée au manque de reconnaissance et d’utilité sociale, et qui pose donc la question du projet collectif et du vivre-ensemble ». A cette tendance s’ajoutent de nouveaux bouleversements qui modifient profondément les structures de la société : le changement du rapport aux âges, les mutations du modèle familial, l’accroissement du chômage, la multiplication et une segmentation des espaces (le territoire où l’on travaille, celui où l’on dort, celui où l’on se distrait, celui où l’on consomme…)… Cette évolution de la société s’est accompagnée d’un formidable développement de l’individualisme qui fait dire à Jean Viard, le sociologie des modes de vie, que « nous sommes passés dans la société du bonheur individuel et du malheur collectif ». Ainsi, tout est fait, et nous y avons tous contribué, pour que chacun puisse s’épanouir dans sa sphère privée et que tout ce qui fait problème relève des collectivités publiques. Depuis plus de trente ans, chaque nouveau problème, quel que soit le domaine, a donné lieu à la création d’un nouveau dispositif sensé y répondre. Avec les effets pervers que cela induit : les personnes que l’on oublie car elles ne rentrent pas dans les cases de nos politiques publiques et les politiques publiques qui segmentent l’intervention. On a ainsi développé des administrations communales et départementales qui segmentent les problèmes ce qui ne facilite pas une vision globale dite transversale. « Ce modèle arrive en bout des course, car nous sommes aujourd’hui confrontés à des limites de moyens et de ressources financière. Ce qui, d’un certain côté, est une bonne chose, car cela nous oblige à trouver des solutions nouvelles. Ainsi, il est fondamental d’avoir une vision globale des territoires et non pas des problèmes. Car un territoire dispose de ressources et de capacités sur lesquelles ont peu s’appuyer pour répondre aux différentes problématiques. Par ailleurs, nos observations des évolutions sociales montrent bien l’enjeu qu’il y a à construire des liens sociaux et des repères plus solides. Car aujourd’hui, les problèmes sociaux ne se limitent plus aux marges de la société mais bien au cœur même de celle-ci. Robert Castel, sociologue, parle de « déstabilisation des stables » pour exprimer l’envergure du phénomène. Il s’avère alors nécessaire d’intervenir dans une logique de développement, de transformation sociale applicable à la société dans son ensemble, et c’est dans cette optique que la Journée Citoyenne prend tout son sens ». Pour l’Odas, la découverte de cette initiative a été une divine surprise. Un maire, qui n’était pas issu du social mais qui faisait cependant les mêmes constats, avait trouvé une manière d’y apporter une réponse concrète. Son idée est pourtant simple : au travers d’un événement ponctuel, faire se rassembler les habitants d’une ville et les entraîner vers des réalisations communes. Il s’agit ainsi de créer les conditions pour que les habitants partagent et se découvrent.  » Dans Le Petit Prince, nous retenons tous la leçon du renard : « si tu veux un ami, apprivoise-moi ». Par ces mots Saint-Exupéry veut nous faire comprendre que nos yeux seuls ne peuvent pas percevoir la singularité d’un individu. Ces derniers sont enfermés dans leur apparence et c’est seulement en les apprivoisant que nous pourrons les connaître et apprécier leur singularité. La Journée citoyenne, c’est un peu ça : un espace où l’on va apprivoiser l’autre. Lors de la journée citoyenne, par du temps partagé et des réalisations concrètes et symboliques, le tissu social se retisse. On découvre que son voisin est plus que cet individu qui fait décidément trop de bruit, mais qu’on peut apprendre et s’enrichir à son contact. Avec la Journée citoyenne on réapprend à se parler, à se respecter, et on se rend compte qu’ensemble, on peut faire beaucoup de choses. En résumé : on réapprend à faire société. C’est cela qui est fondamental dans la Journée citoyenne : elle permet d’avoir enfin une politique publique qui va mobiliser les véritables ressources des territoires – les habitants – afin de développer les liens, les repères, et les relations entre les habitants. On a souvent tendance à l’oublier : le lien social ça se provoque, ça s’entretient, ça se travaille. Régis Debray à une très belle formule, il parle du « tissage du lien social ». Et la meilleure échelle pour le faire, c’est celle du quartier, de la commune. Au fond, la Journée citoyenne permet de donner un contenu concret à la fraternité. A cette fraternité promise sur le fronton de nos espaces républicains. Car il ne s’agit pas d’un acquis, mais bien d’une promesse. Une promesse qui doit advenir par la mobilisation de chacun. Et c’est bien ce que permet de faire la Journée citoyenne. C’est à partir de ces liens renoués, de ces solidarités esquissées, de ces amitiés forgées que s’enclenche la véritable révolution. La Journée citoyenne amorce ainsi une dynamique qui redonne du sens à la vie communale, à la fonction d’élu et, plus largement, à celle de citoyenneté. Chacun, avec ses différences, se mobilise fraternellement avec et pour les autres et retrouve ainsi foi dans l’avenir et la collectivité. », concluait Didier Lesueur. C’est pourquoi depuis 2015, l’Odas a cherché des sponsors dans le but de conceptualiser et créer des supports facilitant l’organisation et la communication à destination des communes. L’objectif est d’essaimer dans toute la France, car le concept peut s’adapter à toutes les populations, à toutes les strates de communes. Nous en avons maintenant la preuve ! cela fonctionne autant dans les toutes petites communes, les moyennes et même des grandes villes comme Angers, Troyes, Mulhouse et Le Mans.

 

Le concept de la Journée citoyenne :

L’introduction a été suivi d’une présentation de la Journée citoyenne.

>> Télécharger la présentation powerpoint diffusée lors du forum

 

Les expériences développées :

La suite du forum a permis de mettre en avant des expériences concrètes. La Guierche : Un succès croissant chaque année de 90 participants en 2015 à 195 en 2018. Pas prévu dans le programme de mandature car pas sûr de trouver la bonne formule. Mme Mongodin, DGS a trouvé un article qui parlait de l’expérience de Berrwiller. Eric Bourge, Maire de La Guierche, appelait aussitôt Fabian Jordan, Maire de Berrwiller. Celui-ci s’est proposé spontanément pour apporter son aide. Une aide très précieuse, car si on veut que cela fonctionne, il faut une véritable organisation qui ne s’improvise pas. « 1100 habitants à la Guierche et 90 personnes dès la première, sans référence locale, juste avec une invitation distribuée dans la boîte à lettres, c’était juste incroyable ! », s’exclame Eric Bourge. « Quand j’ai pris la responsabilité de maire, la commune avait une capacité d’autofinancement de 2500€ à la fin de l’année. La journée citoyenne était une chance de réduire les coûts de fonctionnement. L’économie locale n’en souffre pas, car les économies réalisées permettent de créer de l’investissement. Les artisans n’ont jamais eu autant de commandes locales depuis qu’ils participent à la journée citoyenne. En s’investissant avec les habitants, ils créent de la confiance. Et c’est la confiance qui permet de conclure des affaires. » Savigné l’Evêque : En 2015, les attentats ont durement marqué la population et nous avons ressenti une volonté générale de resserrer les liens autour de valeurs citoyennes. Olivier Rétif explique que lorsqu’il a vu dans la presse l’initiative de la Guierche il était convaincu que c’était ce que les habitants attendaient. Le soutien d’Eric Bourge et le retour d’expérience organisé par l’Odas nous permettait de convaincre les collègues adjoints puis tout le conseil municipal. Sur 50 agents de la commune, 35 s’étaient portés volontaires pour créer la première journée citoyenne à Savigné l’Evêque. Depuis 3 journées citoyennes ont été organisées. L’an dernier 185 participants de 3 mois à 97 ans, 94 hommes et 91 femmes (la parité !), 65 nouveaux et 63 participants pour la troisième fois consécutive. En trois ans, 345 personnes différentes ont participé, totalisant 555 journées de bénévolat. Mais la journée citoyenne ce n’est pas que des chiffres. Michel Serpin, habitant jeune retraité a participé à deux journées citoyennes. Il a pu apprécier d’être sur un atelier animé par une personne plus jeune que lui avec de réelles compétences. Il a particulièrement apprécié l’atelier « Construction d’un hôtel à insectes » où il s’est retrouvé à travailler avec des personnes de tous âges qu’il ne connaissait pas. Gilles Pissot, agent de la commune, explique que la journée citoyenne a changé le regard des habitants sur le travail des agents. Il se sent davantage reconnu et respecté. Il a beaucoup de plaisir à préparer les ateliers, et ce jour-là beaucoup de choses sont faites. Une vidéo reportage est visible à https://photos.app.goo.gl/2SuWNVXYyKgyfKa1A elle a été réalisée par Tomas Belton, cinéaste. Ruaudin : 2 journées citoyennes ont été organisées par Betty Boudier, adjointe au Maire. Elles ne durent qu’une demi-journée et rassemblent une soixantaine de personnes, mais les gens sont heureux de pouvoir participer. Le Maire dit facilement que si la quantité n’est peut-être pas au rendez-vous la qualité est bien présente. Il est à noter la participation du foyer de vie “Les Hêtres” (adultes handicapés) pour qui cette journée est un moment d’inclusion et d’utilité attendu toute l’année. Sillé le Philippe : Une première tentative de participation citoyenne n’a pas rassemblé le nombre espéré. Seuls les conjoints des élus étaient venus jardiner. Liliane Mèche, adjointe au Maire a pris les renseignements chez son voisin Savigné l’Evêque et s’est laissée convaincre que le concept de journée citoyenne serait plus fédérateur. L’année suivante, la journée citoyenne était un vrai succès, tout comme l’an dernier. Saint Cosme en Vairais : 195 participants dès la première année dans une commune de 2000 habitants. Ce succès était inespéré. Viviane Guyot, adjointe au Maire, est venue deux années voir le déroulement de la journée citoyenne à Savigné l’Evêque. Elle n’imaginait pas que cela fonctionnerait autant. Cette journée était incroyable ! Difficile à organiser à cause d’un arrêt maladie important du responsable technique. 26 ados étaient présents et cela a satisfait tout le monde. Les organisateurs espèrent convaincre encore davantage de jeunes pour améliorer le respect des équipements. Sainte Jamme sur Sarthe : Organisée pour la première fois le 29 septembre, la journée citoyenne a attiré 70 personnes sur 5 ateliers. Jean-Luc Suhard, Maire explique que l’aide d’Eric Bourge a été précieuse pour organiser et savoir comment communiquer. Teillé : Le maire Michel Musset explique qu’il s’est lancé dans l’aventure tout fraîchement élu il y a un an, pour une journée citoyenne le samedi 9 juin. 90 personnes inscrites pour une commune de 500 habitants est exceptionnel ! Malheureusement ce 9 juin des intempéries désastreuses se sont abattues (sinistrant plusieurs communes sarthoises). Les ateliers ont dû être stoppés en fin de matinée. Le repas a été pris quand même (les cochons étaient déjà grillés). Comme le temps pressait moins, ce repas a été l’occasion pour que chacun des 90 se présente aux autres ! Saint Jean sur Mayenne :Qu’est-ce qui vous motive pour créer une journée citoyenne ? Olivier Barré, Maire de la commune : “Notre commune a une croissance forte, et il nous a semblé nécessaire de créer un moyen d’intégrer les nouveaux habitants. La journée citoyenne semble être une bonne formule utile.”

Quelques questions dans l’assistance :

Comment faire pour l’assurance ? Il est indispensable de prendre rendez-vous avec son assureur et connaître les conditions. Il faut que la responsabilité civile de la Mairie puisse fonctionner en cas d’accident. Quand cela est possible il faut avoir sous la main un pompier ou une infirmière pour assurer les premiers secours, faire vérifier la sécurité par des personnes compétentes. Il est important de ne pas laisser faire n’importe comment et de ne pas mettre les personnes en danger. Malgré tout l’accident est toujours possible.

>> En savoir plus sur l’assurance.

Quel budget ? Le budget est très variable. A Savigné l’Evêque la limite a été fixée à 8000€ en matériaux, convivialité et communication. A La Guierche cela varie beaucoup selon les chantiers menés. Une année la création d’un cheminement piéton obligeait à acheter beaucoup de matériaux. De toute façon le prix de revient des actions est forcément très bon-marché. Quand les agents participent avec des bénévoles, comment fait-on ? ils doivent être aussi bénévoles ? Non c’est impossible, cela s’appelle de la subordination. Ce n’est pas toujours compris par les bénévoles mais pour les agents, la commune est son employeur. Généralement le temps est simplement récupéré. Quels moyens utiliser pour promouvoir la journée ? Tous ceux à votre disposition ! Le bulletin municipal Des affiches, flyers,… En parler durant les vœux, l’accueil des nouveaux habitants, les AG des associations. Il est indispensable de distribuer un moyen de s’inscrire dans chaque boîte aux lettres. Il ne faut pas oublier la presse locale qui est toujours un très bon relais. Le Maire est la personne la plus crédible pour porter le message. C’est lui (ou celle) qui arrivera le mieux à faire adhérer les habitants au projet.

>> Besoin de conseils pour organiser votre Journée citoyenne ?

Consultez notre rubrique « Réussir sa journée ».